« Il y a quelque chose dans l’air de New York qui rend le sommeil inutile »
Publié le 13 Octobre 2015
Simone de Beauvoir l'écrivait en son temps. Aujourd'hui j'acquiesce.
Nous y voilà, New York est derrière moi, digéré et le jetlag est enfin encaissé. L'heure est donc au compte-rendu, aux impressions et aux conclusions la tête froide.
Avant de rallier la grosse pomme, difficile de ne pas se faire de films. New York est un film me disait-on. Un décor de cinéma permanent. On me parlait de la folie de New York et de cette ville incroyable qui allait s'offrir à moi. La question est : s'offre-t-on New York ?
Il est difficile de ne pas écrire de manière excessive sur une ville qui l'est. Je ne vous dirai pas ici si "oui j'ai adoré" ou "non j'ai détesté". New York est au-dessus de ce schéma noir ou blanc (sauf lorsqu'il est question des communautés qui elles, ne se mélangent que très peu). New York s'appréhende différemment et de manière plus complexe. C'est le type même de voyage incroyable que l'on apprécie à sa juste valeur une fois qu'il est passé et digéré. Un film dont on saurait pas dire s'il est un chef-d'oeuvre ou un film tout ce qu'il y a de plus banal au sortir d'une salle de cinéma.
Oui "la ville qui ne dort jamais" est incroyable. C'est un fait. De par sa hauteur, sa densité, sa mélodie qui peut vite devenir une rengaine assourdissante. New York est un Bebop. Un morceau effreiné où les cuivres sont joués par un orchestre d'automobilistes nerveux et la rythmique par cette façon lente et élégante qu'ont les new-yorkais de manier la langue. New York a aussi une élégance cinématographique qui fait de vous l'acteur principal.
Appréhender New York c'est en tout premier lieu, acquérir de nouveaux repères. Si l'on a tous grandi empreints de culture américaine par le cinéma et les séries, cela ne nous abrite pas d'un choc culturel à retardement. A première vue, l'Amérique (et je parle ici de New York, même pas du grand Ouest) nous est familière. Tel ou tel détail que nous passons notre temps à dénicher dans les rues nous rappelle ce film ou cet épisode avec émotion. Les noms nous évoquent des choses. Il y a, pour les amateurs de musique notamment, une sorte de fantasme à l'évocation de noms comme Brooklyn, Harlem ou le Bronx. A première vue donc, tout n'est pas si différent de "chez nous" et Ronald Mc Donald ne nous acceuille pas à notre arrivée sur le tarmac.
Une fois que la ville vous avale, que vous envisagez enfin l'immensité de ce qui vous entoure et que vous vous sentez minuscule dans cette jungle urbaine, vous réalisez les différences entre ce monde là et le monde d'où vous venez. New York est composée de millions de vies, dont la vôtre pendant quelques jours. A bien l'écouter, New York vous crie, entre deux sirènes de police, que vous êtes minuscule en son sein, dans cette ville-monde où tous les peuples de la planète vivent. Oubliez le multiculturalisme que vous pensiez connaître en Europe. New York est LA ville-monde. Là où toutes les langues s'entre-mêlent et se fréquentent. Une tour de Babel qui tutoie le ciel de Manhattan, et que là-bas en Amérique on appelle "Empire State Building" ou "One World Trade Center". Le genre de tour qu'on n'abat pas car ses fondations sont bien trop solides.
J'ai compris que New York était une question de temps. De notion de temps. Le temps que vous passerez à faire la queue au contrôle des passeports à l'arrivée est sans doute plus long que tout ce que vivrez dans cette ville. La ville ne dort jamais oui car elle n'a pas le temps de dormir. Tout n'est que vitesse. Le choc est assez fort lorsque l'on vit dans une ville européenne qui prend pour le coup des allures de village. Le métro roule à une allure folle. Les lignes express permettent de vous rendre encore plus vite à votre destination. Le temps passé dans le métro est une aubaine pour les new-yorkais qui en profitent pour fermer les yeux et dormir. Le new-yorkais avance, court, pédale et ne se retourne pas. C'est sans doute ce qui fait sa force et ce qui lui a permis de rebondir dans des circonstances difficiles. "Time is money" selon le célèbre dicton. Avoir le temps est bel et bien la plus grande des richesses à New York.
Comme indiqué plus haut, New York, rendez-vous du monde entier, est un monde en soi tout en étant deux mondes à la fois. Loger à Brooklyn est un luxe qu'il ne faut pas se refuser. Cela permet de souffler le soir venu, d'arpenter des quartiers plus humains et de fréquenter la population locale au plus près. Manhattan est l'autre partie de ce monde que certains préfèreront.
New York est, pour conclure ces considérations toutes personnelles et qui n'engagent que moi, une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie. Parce que New York fait partie de ce patrimoine que notre humanité partage, parce qu'il est bon de découvrir de ses propres yeux cet univers fou et familier à la fois, nécessaire de comprendre comment s'est bâtie l'Amérique et ce que l'homme a pu parachever de gigantesque avec ses mains et son esprit. Parce que la vie est une musique et que New York est une mélodie qui se retrouve sur les lèvres de tous ces new-yorkais qui chantonnent dans les rues et le métro. Ce n'est pas un luxe qu'on s'offre, c'est une expérience à vivre muni de vos 5 sens les plus aiguisés.
Alors ai-je aimé ou non New York ? La question ne se pose même plus. New York n'en est plus au point de s'aimer ou non. New York fait partie de l'ADN de l'humanité et est donc en vous, en moi, en nous. Plus d'une semaine après mon retour, je suis toujours à me demander quel terme qualifierait le mieux cette ville. Et je crois que je me poserai encore la même question dans quelques années sans jamais trouver de réponse. Elle se trouve peut-être dans la jovialité et la gentillesse des new-yorkais. Elle se cache peut-être dans quelque chose d'aperçu là-bas et pas encore réalisé.
Entre New York et moi, c'est donc compliqué mais ça n'en est que plus vrai.